Présentation

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Le projet « IN TISSU » tisse des liens entre les vêtements, la mémoire et le territoire par un processus de création nomade fondé sur la rencontre et la participation des habitants.

La ville de Saint-Denis accueille 135 nationalités. Toutes ces identités nécessitent d’être valorisées en nourrissant la construction du commun, de notre patrimoine immatériel et culturel. En ce sens, ce projet de création et d’exposition constitue une trace à la fois individuelle et collective, une sorte d’ethnologie des groupes qui vivent à Saint-Denis, des mémoires provenant des quatre coins de la planète et qui se concentrent sur ce territoire. En travaillant à partir de leurs vêtements et tissus comme autant d’échantillons et de morceaux de leurs histoires, le projet témoignera des mondes d’où ils viennent et qu’ils parcourent en lien avec ce territoire.

Le matière textile comme matériau

Les vêtements et les tissus résonnent avec notre intimité et constituent une deuxième peau avec laquelle nous pouvons vivre dans le monde et nous déplacer.

Ils portent nos affects et nos identités, ils nous aident à tisser des liens avec les autres. Alors, on peut dire que l’on porte le monde globalisé sur le corps, avec toutes ses implications : l’économie, son système de production de masse, et la circulation.

Les vêtements sont aussi une « projection du corps » ; ce corps nomade qui a besoin de construire une intimité et de se protéger, de se ménager un espace de manière à créer des espaces vitaux, parenthèses dans un monde de flux en constante transformation.

Le tissu est forme, matière et sens. Il possède une dimension liée à notre monde affectif, une mémoire ancienne qui nous concerne tous. Ce matériau familier, après avoir été relégué à sa fonctionnalité (le vêtement qui couvre le corps, les draps, les rideaux…), ou limité à des formes décoratives (le kilt, les tapisseries…), connaît une légitimité nouvelle dans l’art contemporain et ouvre une réflexion conceptuelle en tant qu’élément d’innovation. Ses qualités plastiques, sa flexibilité, sa douceur, ses formes malléables, en font un langage multiple qui vient de son rapport singulier à la fibre. Pas moins importantes, ses qualités tactiles restent à développer dans une culture qui a privilégié jusqu’ici la vue.

« IN TISSU », un tissage collectif

Le processus de création de « in Tissu » fait intervenir les habitants à travers une démarche participative. Il s’agit de collecter des tissus et des vêtements accompagnés d’un récit sous forme de textes ou d’audio, constituant la matière première du travail qui permettra la création des différentes pièces de l’exposition.

La démarche sera également nomade et progressive. Elle se fera le long de l’année au cours de différents évènements – par exemple la fête de tulipes, la fête des associations, etc – et dans différents lieux – le centre de loisir, la Maison Jaune, le 6B, Point carré, etc -. Elle s’inscrit dans le territoire à travers un dispositif qui aura une double fonction. Au cours de ces événements, je collecterai d’une part de la matière des habitants – récolte des vêtements, de tissus, et de récits – , et je leur proposerai, d’autre part, de tisser une partie de l’oeuvre qui viendra compléter le grand tissage réalisé dans le musée, l’œuvre in situ.

Cette manière de procéder permettra également de communiquer et d’inviter les habitants, les participants à venir découvrir la création finale le jour du vernissage, voire du finissage, afin que le public s’y rende pour participer à l’oeuvre dans la même dynamique que celle du processus de création. Ce parti pris est une manière d’activer le lieu de exposition (musée, galerie, châteaux) afin qu’il s’ouvre aux habitants en tant qu’ils participent eux-mêmes à l’oeuvre qu’ils viennent découvrir.

Ces vêtement et tissus peuvent être distingués en deux collections : le commun et les petites histoires liées à la grande histoire. Le tissage commun sera issu de la collection des vêtements que les gens donnent pour qu’ils soient recyclés, les vêtements « anonymes » dont ils se « débarrassent ».

L’œuvre qui met en valeur les petites histoires proviendra de vêtements qui sont chargés d’affects particuliers, qui ont une valeur sentimentale et pour lesquels les habitants accepteront de laisser un récit, et qu’ils seront prêts à donner pour cette création. Les premiers seront découpés pour un grand tissage, les autres constitueront une galerie d’objets à mettre en valeur pour qu’ils soient exposés en tant qu’ils témoignent d’une multitude histoires personnelles.

Les oeuvres et ses avancées

Une intervention in situ à préciser selon l’espace. Les premiers points du grand tissage lors de la Fête des tulipes le 14 et 15 avril 2018. Il s’agira d’une installation d’immersion qui concentrera l’énergie collective de ceux qui auront participé mais aussi elle peux être r–et il prendra une place importante dans l’exposition. La forme sera définie à partir de l’espace.

Collection de dons et de récits

Depuis l’inauguration du projet Maison Jaune en Novembre 2016, j’ai commencé à recueillir des vêtements des habitants de l’îlot 8 en leur demandant les récits qui les accompagnent. Ma démarche a été étendue auprès d’autres habitants de Saint-Denis.

Pour l’exposition, une sélection 20 à 30 vêtements seront choisis et transformés en sculptures et une série de photos accompagne de leurs récits (audios, textes).

Une Cartographie de la récolte ?

L’origine de ce projet vient d’une oeuvre créée au 6B qui a démarré le week-end « Colombie love Saint-Denis » à l’Occasion de l’année croisée Colombie-France et fini au portes ouvertes du 6B le 17 décembre 2017.

Cette installation participative s’est inspirée d’une pratique courante en Colombie, le tissage. Rendue possible grâce aux dons de textiles des habitants et aux 1300 personnes qui, tout au long de l’année, apportèrent une grande quantité de morceaux de tissus de couleurs et de textures différentes qui ont été découpés pour être donnés aux arrivants.

Chacun était invité à tisser le refuge, tout en ayant à l’esprit un pardon, un espoir, ou une prière comme un adieu. Exercice à la fois collectif et d’imagination, il invitait à faire retour aux images d’origine, la maison, le nid, le cocon. Un appel, peut-être, à la confiance cosmique.

Le projet « in tissu » a été brûlée le 20 janvier 2018 par des inconnus, un groupe de jeunes gens envahis par la rage et le feu de la jeunesse. J’étais à mon atelier au même moment, à écouter le crépitement de la pluie, jusqu’à ce qu’on vienne me chercher, et j’ai compris que le crépitement de la pluie ressemble au crépitement du feu…

Peut-être que le feu en brûlant tous ces morceaux de tissus a réalisé ces voeux qui n’étaient encore qu’en suspens. Mais il s’agit maintenant de reprendre le métier à tisser, toujours recommencer.